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L’immigration dans les pays avancés peut accélérer la croissance

Philipp Engler, Margaux MacDonald, Roberto Piazza et Galen Sher

L’immigration a fait l’objet d’intenses débats politiques ces dernières années. Certes, la plupart des personnes ont une bonne perception des immigrants, mais il existe des idées fausses et des préoccupations. Par exemple, d’aucuns pensent que les immigrants constituent un fardeau pour l’économie.

Notre étude, qui figure au chapitre 4 de l’édition d’avril 2020 des Perspectives de l’économie mondiale, examine les retombées économiques de l’immigration sur les pays d’accueil et constate qu’en général, l’immigration améliore leur croissance économique et leur productivité.

Or, la pandémie a mis fin brutalement à l’immigration. Si le Grand confinement est temporaire, la pandémie pourrait accentuer le sentiment général de réticence et de rejet de l’ouverture et avoir des effets à plus long terme sur la volonté des pays d’accueillir des immigrants. Un recul de l’immigration et une hausse du chômage dans les pays d’accueil nuirait aux pays d’origine, en particulier les plus pauvres, qui sont grandement tributaires des envois de fonds des travailleurs expatriés.  

Immigration : faire la part des choses

En 2019, le monde comptait 270 millions d’immigrés, définis comme des personnes qui ne vivent pas dans leur pays de naissance. La population d’immigrés s’est accrue de 120 millions de personnes depuis 1990. Cependant, depuis 60 ans, la proportion d’immigrés dans la population mondiale oscille autour de 3 %.

Il est frappant de constater que la proportion d’immigrés dans la population totale est passée de 7 à 12 % dans les pays avancés, tandis qu’elle est restée d’environ 2 % dans les pays émergents et les pays en développement.

En général, les immigrants s’installent dans leur région d’origine. Toutefois, une part considérable de l’immigration internationale se déroule sur de longues distances (par exemple, de l’Asie du Sud au Moyen-Orient) et, en particulier, des pays émergents ou en développement vers les pays avancés.

En revanche, l’immigration des réfugiés est un phénomène plus local, car les populations vulnérables quittent leur foyer dans la précipitation, avec peu de ressources, et se déplacent vers un lieu sûr, souvent proche du pays d’origine. Par conséquent, les pays émergents et les pays en développement constituent en même temps la principale source et la principale destination des réfugiés.

Facteurs d’incitation et d’attraction

Émigrer vers un autre pays coûte très cher, raison pour laquelle une très petite fraction seulement de la population le fait. Le coût de l’émigration comprend les barrières géographiques et linguistiques qui, ensemble, expliquent une grande proportion de la variation des flux migratoires.

Les différences de revenu entre pays d’origine et pays de destination sont l’une des principales raisons pour lesquelles les personnes émigrent. Les pays plus riches attirent plus d’immigrants, surtout en provenance de pays ayant une population plus jeune. Les pays ayant un plus faible revenu par habitant connaissent une plus forte émigration, mais seulement s’ils ne sont pas très pauvres. Nous constatons que lorsque le revenu par habitant du pays d’origine est inférieur à 7 000 dollars, ses ressortissants émigrent moins vers des pays avancés. Les personnes sont donc prises au piège de la pauvreté, car dépourvues des ressources nécessaires pour supporter le coût de l’émigration.  

Les guerres constituent la principale cause de l’immigration entre pays émergents et pays en développement, ce qui confirme l’importance de la proximité géographique dans les mouvements de réfugiés. Enfin, pour l’analyse de futures pressions migratoires, il convient de noter que la taille de la population du pays d’origine est un moteur clé des flux migratoires. 

Effets économiques

Notre analyse examine séparément les effets de l’immigration en général (qui s’explique principalement par des raisons économiques) dans les pays avancés et de l’immigration de réfugiés dans les pays émergents et les pays en développement.

Nous constatons que dans les pays avancés, les immigrants augmentent la production et la productivité à court et à moyen terme. Plus précisément, nous montrons qu’une augmentation de 1 point de pourcentage de l’afflux d’immigrants par rapport au total de la population active augmente la production d’environ 1 % à la cinquième année.

La raison en est que les travailleurs natifs et les travailleurs expatriés apportent au marché du travail des compétences variées, qui se complètent et accroissent la productivité. En outre, nos simulations montrent que même de légères augmentations de la productivité grâce à l’immigration ont un effet positif sur le revenu moyen des autochtones.

Cependant, l’effet positif de l’immigration des réfugiés sur la productivité des pays émergents et des pays en développement n’est pas visible. Cela témoigne de la difficulté que ces immigrants ont à intégrer le marché du travail des pays d’accueil.

Pressions migratoires futures

La population des pays émergents et des pays en développement (en particulier en Afrique subsaharienne) continuera d’augmenter au cours des 30 prochaines années et il est probable que les pressions migratoires vers les pays avancés s’accroîtront. Par exemple, le graphique montre une intensification des pressions migratoires de l’Afrique et du Moyen-Orient vers l’Europe entre 2020 et 2050. Toutefois, dans le monde, les pressions migratoires resteront globalement constantes à 3 % de la population mondiale.

La hausse des revenus dans les pays émergents et dans les pays en développement réduira les pressions migratoires. Mais comme mentionné plus haut, ce n’est pas nécessairement le cas des pays plus pauvres, comme ceux d’Afrique subsaharienne, où la hausse des revenus (bien qu’ils demeurent faibles) pourrait permettre à plus de personnes d’émigrer.

D’autres pressions (étudiées dans d'autres scénarios ) influeront également sur l’immigration. Par exemple, les changements climatiques devraient entraîner une hausse de l’immigration interne et régionale dans les pays émergents et les pays en développement. En même temps, il ressort de notre étude que l’effet des changements climatiques sur l’immigration dans les pays avancés est moins clair, car la faiblesse des revenus dans bon nombre de pays plus pauvres pourrait « piéger » plus de personnes dans leur région d’origine.

Amplifier les gains

L’immigration présente des avantages considérables pour les pays d’accueil, et l’occasion d’une vie meilleure pour les immigrants. Toutefois, elle pourrait également créer des difficultés sur le plan de la répartition du revenu, en causant un préjudice économique, au moins passager, aux travailleurs autochtones dans certains segments de marché. Par conséquent, la politique budgétaire et celle du marché du travail doivent être employées pour offrir un complément de revenu et une nouvelle formation aux travailleurs autochtones qui rencontrent des difficultés sur le marché du travail.

Par ailleurs, des politiques actives du marché du travail et d’immigration visant à intégrer les immigrants, notamment en leur offrant des cours de langue ou en facilitant la validation de leurs qualifications professionnelles, peuvent rendre l’immigration encore plus bénéfique pour les pays d’accueil.

Enfin, une coordination internationale est nécessaire pour résoudre les problèmes liés à l’immigration des réfugiés. Il s’agit notamment de partager les coûts liés à leur accueil et de promouvoir leur intégration dans les pays émergents et les pays en développement.

Inspiré du chapitre 4 des Perspectives de l’économie mondiale, consacré aux effets macroéconomiques de l’immigration mondiale, une étude de Philipp Engler, Keiko Honjo, Margaux MacDonald, Roberto Piazza (chef d’équipe) et Galen Sher, sous la direction de Florence Jaumotte. 

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Philipp Engler est économiste au sein de la division surveillance multilatérale du département des études du FMI. Précédemment, il a travaillé au DIW Berlin et à l’Université libre de Berlin. Ses travaux portent sur la macroéconomie des économies ouvertes et la politique budgétaire.

Margaux MacDonald est économiste au département des études du FMI, au sein de la division surveillance multilatérale. Précédemment, elle travaillait au département Afrique sur les pays bénéficiant d’un programme appuyé par le FMI et sur les questions sectorielles externes. Ses champs d’études comprennent la macroéconomie et la finance internationales, et ses travaux récents portent sur les contagions entre les pays engendrées par la politique monétaire, les opérations de banque et le commerce international. Elle est titulaire d’un doctorat en économie de Queen’s University.

Roberto Piazza est économiste au département des études du FMI, où il travaille à la division surveillance multilatérale. Il a travaillé auparavant au département des marchés monétaires et de capitaux et au département Moyen-Orient et Asie Centrale du FMI, ainsi qu’à la Banque d’Italie. Il est titulaire d’un doctorat d’économie de l’université du Minnesota. Ses recherches portent sur la théorie de la croissance, la politique monétaire et la macroéconomie internationale.

Galen Sher est économiste au sein de la division surveillance multilatérale du département des études du FMI. Précédemment, il a travaillé au département Hémisphère occidental et au département des marchés monétaires et de capitaux du FMI. Il a été auparavant économiste chargé de recherches à la Banque d’Angleterre. Ses travaux portent sur l’économétrie appliquée et la mesure des risques.